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Frédéric Patto

 

La rencontre atypique de la physique et du théâtre

Frédéric Patto est un personnage, même lorsqu’il n’est pas sur scène et la Compagnie de la D-Boussole n’existerait pas sans lui : les vies de l’un et l’autre sont étroitement liées.


Pour sortir un peu la tête des bouquins, le lycéen du début des années 80 veut faire du basket. Mais l’équipe qu’il doit rejoindre ne voit pas le jour et il décide finalement de rejoindre un atelier théâtre qui se monte non loin de là, à la « Maison pour tous » de la Paillade.

Il y rencontre la comédienne Corine Néel qui travailla avec un assistant d’Ariane Mouchkine et dont le statut de haut responsable bouddhiste n’est pas sans incidence dans son théâtre, il a 16 ans, il ne la quittera plus jusqu’en 2006… la belle rencontre qui commence toute histoire d’amour a eu lieu sous des cieux montpelliérains.

Cette année-là, Corine Néel ouvre en effet deux groupes de pratiques théâtrales, l’un à destination des adolescents, l’autre des adultes.

Proposant une formation en quatre ans, elle pioche dans les étudiants de quatrième année un vivier d’acteurs qui rejoignent sa compagnie « La Mandrag’or ». Des liens d’amitié très forts se créent entre les acteurs mais l’univers théâtral proposé est lui aussi très original et mêle musique, danse et théâtre, sous l’œil bienveillant de Corine et de comédiens professionnels. Les références classiques de Frédéric se mettent en place à cet instant : sa première expérience scénique fera de lui, à 16 ans, M. Smith dans La Cantatrice chauve. Mais son premier grand rôle, qu’il endosse pour une dizaine de représentations, ce sera Ruth, le travesti brésilien, dans la pièce de Fernando Arrabal La Nuit est aussi un soleil. La pièce, qu’il a remontée en mai 2012 pour rendre hommage à ses fondamentaux et dans laquelle il a renoué avec Ruth, lui vaut de beaux éloges. 
 
Il joue également Orphée, dans la pièce de Cocteau, rôle qui l’a beaucoup marqué, mais aussi le juge dans Rêver peut-être de Grumberg qui interroge ses origines juives et ses relations avec son père. La pièce rencontrera un franc succès et sera à l’affiche de festivals de théâtre amateur. C’est avec cette pièce que Frédéric mesure le pouvoir salvateur et cathartique du théâtre : orphelin de père la veille, il monte sur scène et joue, déjouant pendant deux heures le vide que laisse la mort de son père.

Mais lorsque l’on demande à Fred quel a été son plus grand rôle avec la « Mandrag’or », il mentionne Faust de Goethe, que la compagnie a monté en s’appuyant sur la traduction du texte par Gérard de Nerval. Le pari est audacieux : Frédéric joue Faust le jeune et Faust le vieux, ce qui l’oblige à travailler sa voix et sa gestuelle pour vieillir de manière convaincante sous les yeux du public. Le rôle l’intimide, d’autant que le texte, très poétique, est foisonnant et pourtant a posteriori, il reconnaît une certaine facilité, une évidence, face au texte dont la musicalité et la beauté des mots le portent.

Partir aurait été tentant, certains essayé d’ailleurs mais sont revenus, tant  l’esprit et la qualité des spectacles semblaient moindres ailleurs pour ceux qui s’étaient nourris de théâtre « à la Corine Néel » dès leurs premiers pas sur scène et pour qui chaque mise en scène, toute symbolique soit-elle, faisait sens. Partir semblait donc exclu. Et pourtant, en 2006, Frédéric s’installe à San Francisco… Mais Corine Néel reste LA référence et lorsque Frédéric découvre l’auditorium du campus d’Ortega en 2007, c’est à elle qu’il pense immédiatement : « Si Corine sait l’espace que j’ai ici, elle me tuera si je n’en fais rien. » Le lieu pose et les fondements de l’option théâtre du Lycée Français de San Francisco qui est aujourd’hui forte de trente élèves et ceux de la compagnie de la D-Boussole qui voit officiellement le jour en 2008.

L’arrivée à San Francisco, l’installation sur le campus d’Ortega et les débuts de la pratique théâtrale au Lycée offre de nouvelles perspectives à Frédéric. Tout en s’appuyant sur la culture qu’il s’est forgée aux côtés de Corine, il expérimente l’enseignement du théâtre à proprement parler, transmet sa connaissance de l’improvisation et se fait metteur en scène. Et c’est un tournant, il le reconnaît volontiers : « J’aime jouer, mais l’enseignement et la mise en scène, c’est l’éclate ! ».

C’est donc en tant que créateur de la compagnie, en tant qu’acteur et en tant que metteur en scène mais aussi en tant qu’enseignant que Frédéric s’exprime aujourd’hui, cinq ans après la naissance officielle de la compagnie qui le rend si heureux, fidèle qu’elle est à l’image qu’il se fait de toute compagnie. Il reconnaît volontiers que le choix des pièces est toujours un moment critique car il n’aime pas lire le théâtre, il préfère le voir, le vivre : la musique est alors un puissant auxiliaire, elle lui suggère des émotions, des lieux, des atmosphères qui nourrissent des mises en scène chaque année saluées pour leur audace et leur ingéniosité. Le metteur en scène met à profit les séances d’improvisations pour cerner la personnalité de ses comédiens et leur proposer des rôles auxquels ils seront particulièrement sensibles, parce qu’ils s’y reconnaîtront eux-mêmes ou bien parce qu’ils devront repousser leurs limites, confrontés à un véritable défi, pour les endosser. En se fondant sur le potentiel qu’il sent en chacun de ses acteurs, il n’hésite pas à leur proposer des rôles à contrepied. Tel est le secret de Frédéric : la confiance qu’il place en ses acteurs, il attend d’eux qu’ils la lui rendent aveuglément. Quelle satisfaction alors pour lui, à l’issue des représentations, que d’entendre ses comédiens lui dire « Tu as eu raison de me pousser, je ne m’en croyais pas capable. » 

 

C’est donc en tant que créateur de la compagnie, en tant qu’acteur, en tant que directeur de théâtre et en tant que metteur en scène mais aussi en tant qu’enseignant que Frédéric s’exprime aujourd’hui. 

Frédéric a aujourd’hui plus d’une quarantaine de mises  en scène à son actif et est le seul responsable de la programmation du TLF qui depuis plus de dix ans propose dans son théâtre de 325 places des pièces francophones qu’il importe tout droit de Paris. Ainsi Pierre Richard, Patrick Timsit, Clémentine Célarié, Julie Gayet, Cristiana Réali, Eric-Emmanuel Schmitt, Richard Berry, Thierry Lhermitte, Jérémy Ferrari, CharlElie Couture, Andréa Bescond et de nombreux autres comédiens et comédiennes ont foulé la scène du TLF à son invitation. Le TLF est devenu un véritable centre culturel français pour les francophones et francophiles de la Baie et un lieu incontournable pour tous les acteurs de la scène culturelle française. 

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